Depuis sa création en 2017, l’Observatoire des usages et des représentations des territoires* sonde le rapport qu’entretiennent les Français entre qualité de vie et transition écologique. Les résultats de la quatrième édition de l’enquête, engagée avec le soutien de France Villes et territoires Durables, l’ADEME et Bouygues Construction, sont dévoilés et commentés le 25 septembre lors de Villes Durables en Actions.
Logement, volonté de « refaire communes », attraction pour les villes à taille humaine… Quelles sont les priorités ? Qu’attendent-ils de leur territoire ? Alors que les espérances redoublent en matière d’écologie et que le lien entre environnement et modes de vie contemporains est clairement établi pour une large majorité d’entre eux, que sont-ils prêts à changer encore ? Et qu’attendent-ils des pouvoirs publics comme privés ? Les réponses donnent des clés pour faire converger et créer les conditions d’une bonne – voire d’une meilleure – qualité de vie, en adéquation avec les enjeux liés au changement climatique et les nouveaux défis induits se posant aux différents acteurs afin de répondre à l’Anthropocène et à ces aspirations citoyennes.
LE LOGEMENT, UNE PREOCCUPATION CENTRALE DES FRANCAIS
1.Une priorité en haut de l’échelle…
Symbole d’une évolution dans les priorités des Français, le logement est devenu l’élément numéro un : en effet, pour une majorité d’entre eux, vivre dans un logement où l’on se sent en sécurité et où l’on dispose d’intimité est le premier symbole d’une « vie réussie » (89%). Le logement arrive ainsi juste avant le souhait de bénéficier de temps pour ses proches (88%), et nettement devant l’aisance financière et le confort matériel (76%) ainsi que la réussite professionnelle (49%).
2. … qui suscite toujours des inégalités
Ces résultats montrent par ailleurs d’importantes inégalités sociales. 22% des ménages percevant moins de 1000 euros mensuels considèrent leur logement « sur-occupé », contre 8% « sous-occupé ». Cette tendance s’inverse pour les ménages disposant de revenus supérieurs à 2500 euros par mois. 22% d’entre eux estiment leur logement « sous-occupé », et 5% « sur-occupé ».
3.Cadre de vie : un désir d’ailleurs
C’est l’un des chiffres marquants de cette enquête : après deux années de pandémie -, l’envie de déménager des Français reste inchangée. Parmi les personnes interrogées, 55% aimeraient « vivre ailleurs », soit 25 millions de personnes. Un chiffre stable depuis 2021, mais en augmentation de 7 points depuis 2017, marqueur fort d’un changement de mentalité post-covid. Cette volonté de changement se justifie par celle de se rapprocher de la nature, des commerces et d’une offre de transports proche (73%), de changer de logement (70%) ou de quitter sa commune (65%). Cette année, une nouvelle priorité s’installe : la volonté croissante d’accession à la propriété, pour 48% des sondés. Se rapprocher de la famille, des amis et du lieu de travail est une priorité pour seulement 30% et 17% des personnes interrogées.
4. Freins financiers
Même si déménager pour un meilleur cadre de vie est une priorité pour une majorité de Français, 51% d’entre eux (+ 5 pts/2021) se heurtent à des freins financiers qui les empêchent de réaliser leur projet. Un état de fait qui peut s’expliquer par l’inflation et un accès plus difficile aux crédits immobiliers.
5.L’emploi n’est plus un obstacle au changement
Une nouvelle donnée est à prendre en compte : l’emploi n’est plus un frein au déménagement et au changement de cadre de vie. En effet, un actif sur deux qui aimerait déménager pourrait envisager de changer de situation professionnelle. 17% des actifs souhaitant déménager seraient même prêts à changer complètement de métier pour ce faire. Enfin, parmi les actifs souhaitant déménager sans changer de métier, 17% pratiqueraient plus de télétravail, possibilité offerte depuis le confinement et s’étant développée ensuite.
L’ATTRACTIVITÉ DES VILLES À TAILLE HUMAINE : SE RAPPROCHER DE LA NATURE ET « REFAIRE COMMUNES »
1.Près d’un tiers des Français voient la « petite ville » comme le lieu idéal
Désescalader l’urbanité, avec le désir du cran en dessous, tel pourrait être le résumé ! C’est en tout cas une aspiration de plus en plus prégnante. Quand le lieu de vie idéal serait – en tête à 30% (+3 pts/2019) – une petite ville ou un village en périphérie d’une grande ville, la préférence pour le centre d’une métropole chute à 8% (-4 pts/2019).
2.Envie de vert
Dans cette logique, à la question « Quels sont selon vous les trois éléments les plus importants pour caractériser votre cadre de vie idéal ? », vivre en contact avec de grands espaces de nature arrive en premier choix (18%), ex-aequo avec l’envie d’habiter un lieu « où l’on se sent en sécurité ». Par exemple, plus d’un tiers des Français (36%, +1 pt/2021) sont « intéressés » à l’idée de vivre dans un espace collectif végétalisé. A noter qu’un autre tiers n’est en revanche « pas du tout » intéressé par ce type d’habitat.
3.De l’importance de la vie de quartier
Au cœur de ce désamour des grandes villes, la forte densité de ces dernières (29%), à l’origine de gênes multiples dont les nuisances sonores. Mais, au-delà, l’attente de davantage de sociabilité est mise en évidence. Ainsi, 72% (+1pt/2021) de la population trouve important d’avoir des échanges réguliers avec les habitants de son quartier et/ou de sa commune.
4.Transports collectifs, hôpitaux, crèches, écoles… un sentiment croissant de déprise des services publics
Autour de cette notion de « refaire communes », une impression que le panel de services de proximité a diminuée (25%, +4pts/2019) doit être notée. 18% des Français estiment au contraire qu’il a augmenté (+1pt/2019), tandis que 46% (-3 pts/2021) des personnes interrogées jugent qu’il a stagné.
72% DES FRANÇAIS INQUIETS DE L’IMPACT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE : QUELS LEVIERS ?
1.Craintes liées à l’accès aux ressources
A 72% – soit une augmentation de deux points par rapport à 2021 -, l’inquiétude quant à l’impact du réchauffement climatique sur soi-même est indéniable. Les craintes autour de l’accès aux ressources en particulier atteignent des sommets, surtout dans les régions du Sud. En tête, les Occitans : 78% d’entre eux sont « inquiets », dont 22% « très inquiets ».
2.38% des Français prêts à vivre ailleurs
A la question « Ces risques liés au changement climatique sont-ils susceptibles de vous faire reconsidérer l’endroit où vous habitez (pour un autre logement, un autre quartier, une autre commune, voire une autre région…) ? », 38% répondent par l’affirmative. Une donnée qui grimpe à 40% (+3pts/2021) parmi les personnes se disant inquiètes de l’impact du réchauffement climatique.
3.Une confiance en l’anticipation des territoires très clivée
« Avez-vous confiance dans la capacité du territoire où vous habitez à anticiper les risques liés au changement climatique et à se transformer pour réduire sa vulnérabilité ? » Près d’un Français sur deux (49%, -1pt/2021) répond par la négative, quand 37% se disent confiants. Un chiffre ayant augmenté de manière non négligeable, prenant quatre points en deux ans. Les sondés sont tout particulièrement partagés sur l’exemple de la canicule. A la question de savoir s’ils estiment que « le territoire dans lequel ils vivent est adapté aux épisodes de canicule », 46% considèrent que c’est le cas (-1pt/2021), quand 45% répondent « non » (+3pts/2021).
4.Changer son mode de vie, une évidence se heurtant à un sentiment de désengagement des acteurs publics/privés
La quasi-totalité des Français pense qu’il faut changer de mode de vie (92%, +3 pts/2021). Seuls 8% sont contre cette idée. Un chiffre en baisse de trois points en deux ans. Toutefois, selon l’Observatoire 2023, la répartition des rôles entre citoyens et acteurs publics comme privés est loin d’être optimale. Ainsi, on note que si 28% des sondés estiment que les citoyens sont actuellement les principaux acteurs de la lutte contre le réchauffement climatique (18% estimant que « personne » n’agit, 16% qu’il s’agit de l’Etat, 16% les ONG et associations, 7% les entreprises privées ou encore 6% les collectivités locales), les acteurs qui seraient selon eux les plus efficaces seraient en premier lieu l’Etat (30%), suivi des citoyens (22%), des grandes entreprises privées (16%), loin devant les collectivités locales (7%). On note que seulement 5% des sondés estiment que les ONG et associations seraient les plus efficaces. Preuve que le sentiment de fatalité est faible, seuls 8% des Français estiment que « personne » ne serait efficace.
Un logement adapté à son mode de vie, dans une « petite ville », avec un cadre de vie proche de la nature, des commerces et des services de proximité… Pour vivre dans les meilleures conditions, les Français sont prêts à amender jusqu’à leur carrière et/ou leur manière de travailler. Des désirs qui se heurtent aux inégalités sociales. L’inquiétude est grande quant à l’impact du changement climatique sur leur vie, exacerbée par l’impression d’en faire beaucoup tandis que les rôles entre les différents protagonistes – Etat, grandes entreprises, collectivités notamment -, sont mal répartis. C’est avec ce contexte que ces derniers devront composer pour élaborer leurs actions contre le changement climatique.
* Enquête réalisée en ligne du 2 juin au 15 juin 2023 auprès d’un échantillon de 4000 personnes représentatives de la population métropolitaine de 18 à 75 ans.