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Interview avec Magali Vuillaume – attachée de coopération, ambassade de France en Roumanie

France Villes et territoires Durables est partenaire du poste diplomatique à Bucarest, qui anime la démarche Orase Durabile pour les villes durables roumaines. Magali Vuillaume, attaché de coopération, nous partage sa vision des enjeux locaux et témoigne de la valeur ajoutée de l’association en appui à la coopération bilatérale.

 

Quels sont les principaux enjeux en Roumanie en termes d’aménagement urbain durable?  

De mon point de vue, les enjeux en Roumanie en termes d’aménagement urbain durable sont avant tout des enjeux liés à la gouvernance locale. Si le modèle d’organisation territoriale roumain est largement inspiré du modèle français (en particulier au niveau des « judete » qui sont l’équivalent des départements), il diffère sur deux échelons qui se sont avérés essentiels en France pour la mise en place de stratégies d’aménagement durable : l’intercommunalité (et les réflexions à l’échelle de « bassins de vie ») et les régions. Ces deux échelons n’existent pas, ou sous des formats très partiels, en Roumanie. Des réflexions sont en cours sur une réforme territoriale, et des « consortia administratifs », qui permettront à des communes de se regrouper pour travailler ensemble sur des objectifs communs en matière de développement du territoire, devraient voir le jour en 2024. Ce sera en théorie la première étape d’une réforme territoriale plus vaste.

L’autre enjeu pour la Roumanie est de se doter d’outils publics qui puissent accompagner les collectivités dans la conception et la mise en œuvre de leur projet d’aménagement durable. La Roumanie est passée très rapidement et sans transition d’un système communiste hyper centralisé, à un système décentralisé, dans lequel les collectivités locales ont eu un rôle croissant dans les décisions concernant l’aménagement et l’avenir de leur territoire, mais sans y être pleinement préparées. Les années qui ont suivi la chute du communisme ont été assez chaotiques : la législation antérieure concernant la planification stratégique a été abrogée et une réglementation minimale concernant essentiellement le droit de construction a été adoptée. Ce vide législatif a été en partie comblé depuis, et un code de l’urbanisme est en train de voir le jour, mais des outils de type agences d’urbanisme (mais aussi des outils comme le Cerema) seraient particulièrement précieux pour donner corps aux orientations données par la législation nationale et accompagner les collectivités en leur fournissant l’expertise nécessaire. Cela permettra de limiter un autre phénomène observable : la fabrique de la ville par une agrégation de projets privés, et non selon une planification pensée par la collectivité en concertation avec ses habitants. L’enjeu est donc à mon sens également un rééquilibrage de ce rapport entre acteurs publics et privés, une redéfinition des rôles de chacun, en remettant la collectivité et son projet de territoire au cœur du processus de développement urbain. 

 

Comment le poste diplomatique s’inscrit-il en soutien sur ces enjeux, notamment via la démarche Orase Durabile ? 

Depuis plusieurs années l’Ambassade de France a lancé une initiative intitulée « Orase durabile » (ville durable en roumain) qui comprend deux volets : le lancement d’un concours à destination des collectivités roumaines sur les enjeux de transition écologique, dans le but de valoriser les bonnes pratiques locales ; et une conférence annuelle sur la ville durable organisée par l’Ambassade, la chambre de commerce France Roumanie et Business France, et qui permet de mettre en lumière ces enjeux, les solutions existantes et valoriser le savoir-faire des entreprises françaises. Cette initiative est bien identifiée dans le paysage institutionnel roumain sur ces questions, et nous entendons la poursuivre dans les prochaines années. En 2023 nous avons organisé ce concours en partenariat avec le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires et le Cerema, sur le thème des écoquartiers, en s’appuyant sur le référentiel développé en France. Le ministère de la Transition écologique a financé un accompagnement des deux collectivités lauréates, qui est actuellement en cours, et qui s’achèvera en février prochain par un séminaire de restitution et de réflexion sur la démarche dans chacune des deux collectivités. Nous souhaitons poursuivre cette démarche en 2024 afin de soutenir la diffusion de démarches intégrées de développement urbain durable en Roumanie et contribuer, en lien avec le ministère roumain du Développement, des travaux publics et de l’administration et les collectivités roumaines, à l’émergence d’un référentiel roumain sur les écoquartiers.

Notre action s’appuie également sur un réseau riche et ancien de coopération entre les collectivités roumaines et françaises (environ 120 jumelages existants), que l’on s’attache à animer et dynamiser, dans l’objectif de faire émerger des projets ambitieux sur des sujets en lien avec les priorités et financements européens. Nous lancerons dans ce cadre un groupe de travail franco-roumain sur la transition écologique en février prochain.

Enfin, nous avons identifié lors de la venue d’une délégation de France Ville Durable en Roumanie en juin 2023, dans le cadre de l’initiative Orase Durabile, suivie par une visite d’une délégation roumaine en France il y a quelques jours, de nouvelles pistes de coopération institutionnelle, au-delà de la démarche Ecoquartiers : les enjeux de régénération urbaine de quartiers défavorisés, en lien avec l’ANRU, et le sujet de la création d’un projet-pilote d’agence d’urbanisme sur le modèle français, en lien avec la Fédération nationale des Agences d’urbanisme en France. Nous sommes mobilités pour appuyer le développement de cette coopération.

 

Quels ont été les apports de France Villes et territoires Durables sur les réflexions en cours, pour Bucarest mais aussi en soutien à l’action du poste diplomatique ?  

La venue d’une délégation de France Ville Durable en juin dernier à l’occasion de la remise des prix du concours Orase Durabile et de la conférence organisée avec la  chambre de commerce France Roumanie a été un moment déterminant de notre coopération franco-roumaine sur le sujet du développement urbain durable. Les ateliers organisés par France Villes et territoires Durables ont réuni les principales collectivités roumaines actives sur ce sujet, et ont constitué pour nous le noyau du groupe de travail sur la transition écologique qui verra le jour officiellement dans les prochaines semaines. Les moments d’échange entre la délégation et le Maire de Bucarest et ses équipes, mais aussi avec le Ministère du développement de l’administration et des travaux publics, ont permis d’identifier de nouvelles priorités pour notre coopération et de nouer des liens humains précieux pour l’avenir. Liens qui se sont renforcés à l’occasion de la visite « retour » d’une délégation roumaine en France du 4 au 7 décembre. La délégation a été reçue notamment par France Ville Durable et par certaines de ses institutions membres, ce qui a permis de faire avancer les discussions sur les coopérations techniques à mettre en place. Par ailleurs, les visites de terrain, à Paris et à Lyon, ont permis à la délégation de visualiser concrètement la mise en œuvre sur le terrain des politiques et dispositifs français dans le domaine de la ville durable. Enfin, la gouvernance de France Villes et territoires Durables, reposant sur ses 4 collèges, et permettant un dialogue entre acteurs étatiques, collectivités, et acteurs privés, constitue une source d’inspiration pour les acteurs roumains, qui souhaitent renforcer ce dialogue entre les différentes parties prenantes de l’aménagement urbain.

👉Pour en savoir plus sur la Délégation FVD à Bucarest

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👉Pour en savoir plus sur nos missions à l’international 

A propos de Solène Martin

Chargée de Mission, Groupe de Travail et Travaux. Étudiante à l’École Urbaine de Sciences Po Paris sur la transition écologique des villes.

A propos de Quentin Guillemot

Animé par les questions climatiques et les autres limites planétaires, Quentin se dirige vers un parcours sur l’aménagement du territoire à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. Son expérience dans les milieux associatifs, notamment à la Fresque du Climat, l’aident à mieux saisir les enjeux de la bifurcation écologique. Entre sa Haute-Savoie natale et sa ville de cœur, Rennes, où il a gagné en compétence sur les sujets de la mobilité et de l’agriculture durable, il pose aujourd’hui ses valises à Paris pour déployer les ateliers territoriaux de France Villes et territoires Durables dans tout le territoire. 

A propos de Tara Goodwin

Diplômée d’une Licence de l’INALCO (Langues’O) en langue Hindi et bi-cursus Relations internationales – Humanités environnementales, Tara est actuellement étudiante en alternance du Master 2 Relations Internationales et Action à l’Étranger de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ses missions chez France Villes et territoires Durables s’inscrivent dans la lignée de ses expériences à l’UNESCO et au Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères, contribuant ainsi à son insertion professionnelle dans le domaine de la diplomatie environnementale et de la coopération internationale pour le développement.

A propos d'Isabelana Noguez

Diplômée du Master en Communication Numérique et Analyse de Données à la Sorbonne Nouvelle, Isabelana est une journaliste mexicaine. Elle a travaillé précédemment dans la communication et les relations presse dans le secteur culturel en France et au Mexique. Aujourd’hui, elle s’intéresse aux enjeux écologiques et aux actions et solutions pour préserver l’environnement et la biodiversité.

A propos de Marion Gonzales

Formée aux affaires internationales et européennes entre l’Angleterre et la France dans le cadre d’un double diplôme Sciences-Po Lille / Université du Kent, Marion a débuté sa carrière en plaidoyer et relations institutionnelles des organisations non gouvernementales, dans le secteur du commerce équitable (Label Max Havelaar France). Elle est aujourd’hui responsable de la communication et des affaires internationales de l’association.

A propos de Camille Waintrop-Boyon

Issue des sciences sociales, de l’histoire de l’art et de l’architecture, après diverses expériences dans la gestion de projets culturels et la production audiovisuelle, Camille a travaillé dans la communication au sein du groupe VINCI : depuis les grands projets à l’international jusqu’à La Fabrique de la Cité, think tank dédié à la prospective urbaine.
Carla DONCESCU

Diplômée d’un master 2 en Economie du Développement à Panthéon-Sorbonne, et actuellement en formation alternance du Master 2 Relation Internationale et Action à l’Etranger dans la même Université, c’est à travers ces différents prismes et ses expériences à l’internationale qu’elle approche les problématiques de villes et territoires durables.

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Manon EXBALIN

Diplômée d’un Master en sociologie de la communication, Manon a travaillé précédemment pour Greenpeace, la Mairie de Paris (en particulier pour venir en aide aux étudiants), et le Ministère de la Transition Ecologique (DGALN – Mission Communication).

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Géographe de formation (Université d’Etat de Saint-Pétersbourg), elle a débuté au poste de géographe économiste à l’Académie d’Économie Agricole (Russie), avant de poursuivre sa carrière en France, en tant qu’assistante administrative et comptable (Air Liquide, Association TGV Provence Côte d’Azur, COFHUAT, Groupe Hervé)

A propos de Sébastien Maire

Avant de rejoindre l’équipe FVD, il a occupé plusieurs postes dans la gestion des collectivités locales. Allant d’élu et adjoint au maire de sa ville natale Besançon, chargé des relations universitaires et de la coopération internationale puis Directeur du Développement économique de la Ville de Pantin, pour ensuite être directeur de cabinet à Montreuil où il a notamment piloté la refonte en profondeur du projet urbain vers davantage d’écologie et de développement durable, Il continue son parcours en tant que Haut Responsable de la Résilience de la Ville de Paris.

Il promeut une vision holistique et systémique du développement durable et apporte son expérience/expertise en résilience territoriale et en transition écologique et sociale.
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