Avec le soutien de très nombreux partenaires publics et privés, au premier rang desquels l’ADGCF, nous préparons un guide d’aide à la décision qui sera disponible très prochainement. Il permettra aux collectivités de bien préparer le mandat 2026-2032.
Objectif : garantir que chaque projet ou investissement renforce la durabilité et la résilience de nos territoires.
Dans cette interview, David Le Bras, Délégué Général de l’Association des Directeurs Généraux des Communautés de France (ADGCF), revient sur les motivations de l’ADGC de s’engager pour ce projet collectif, ainsi que sur la forte dynamique portée par l’ADGCF auprès des territoires.
1. Qu’est-ce-qui a motivé l’ADGCF à intégrer la démarche de FVD visant à définir une méthodologie facilitant l’inscription des territoires dans une trajectoire écologique plus vertueuse ?
Au-delà d’une volonté commune de promouvoir et de porter les enjeux de transition dans une perspective d’intérêt général et dans le prolongement de travaux que FVD et l’ADGCF ont déjà menés en commun, sans doute l’impératif de voir la question écologique s’inscrire au cœur des élections locales à venir et constituer la colonne vertébrale des projets territoriaux déployés durant le mandat 2026-2032. A cet égard, il ne s’agit ni plus ni moins que d’être en phase avec les préoccupations de nos concitoyens. Le sondage IFOP réalisé pour Intercommunalités de France en octobre dernier et portant sur les thèmes qui doivent structurer la campagne des municipales aux yeux des Français ne laissent, en la matière, pas de place au doute : en tête de gondole figurent les enjeux environnementaux, avec la distribution de l’eau potable (61 %), l’assainissement des eaux usées (59 %) et la gestion des déchets (58 %). Les questions de mobilité occupent également une place centrale, notamment la voirie (60 %) et l’organisation des transports urbains (58 %). Vous noterez au passage qu’il s’agit essentiellement de compétences intercommunales ! Certes, au cours de ce dernier mandat, la question écologique a été très présente dans le discours mais aussi dans l’action des collectivités territoriales. Des circuits d’approvisionnement alimentaires à la réindustrialisation « décarbonée » en passant par la refonte de nos politiques d’aménagement et à la démultiplication des chantiers de rénovation énergétique, l’enjeu d’une action territoriale en phase avec les contraintes environnementales figure bien au calendrier des élus locaux et de leurs équipes.
En bref, cela va dans le bon sens, mais disons-le aussi, ce n’est pas suffisant. Si nous voulons être à la hauteur de l’enjeu écologique contemporain, il nous faut franchir un nouveau cap et alimenter d’ores et déjà les projets que les élus du bloc local porteront demain sur leur territoire. C’est bien pour cela que nous n’avons pas hésité à nous associer à la dynamique portée par FVD visant à créer un guide d’accompagnement méthodologique, destiné aux futurs élus locaux à leurs équipes et mettant à leur disposition, via l’accès facilité à un corpus de données dématérialisées, l’ensemble des éléments caractérisant l’état de la biodiversité, des ressources naturelles et le niveau d’artificialisation des sols d’un territoire.
In fine, le process détermine les indicateurs permettant de mesurer la soutenabilité de tout projet, quel qu’il soit, à l’aune des limites physiques du territoire tout en intégrant les vulnérabilités socioéconomiques qui le caractérisent. C’est là toute l’originalité du dispositif : ne pas omettre que les logiques de « sobriété » ou plutôt de « robustesse » du développement local posent aussi la question de la répartition de l’effort à consentir entre les différents milieux sociaux et de fait, de l’établissement d’un minimum de justice sociale dans la mise en œuvre du dessein écologique à venir des intercommunalités et de leurs communes.
2. L’ADGCF a fortement investi la problématique écologique au cours de ces dernières années. Quel en a été le moteur ?
Le moteur ? C’est très simple : nos adhérents, les directeurs généraux des communautés et métropoles. En 2022, nous les avons sondés afin d’identifier les thèmes qu’ils souhaitaient que l’ADGCF investisse en priorité durant la deuxième partie du mandat local. C’est l’enjeu écologique qui est apparu comme leur préoccupation première, devant l’évolution du rapport au travail et la relation intercommunalité-communes.
Bien sûr, nous menions déjà des travaux sur cette problématique, ne serait-ce que parce que les communautés et métropoles concentrent aujourd’hui l’essentiel des compétences renvoyant aux questions environnementales —gestion et traitement des déchets, politique de l’eau, économie, mobilités, habitat, etc.— et des outils —PCAET & CRTE notamment. Mais, pour répondre à cette demande, l’Association a décidé d’intensifier ses réflexions et d’ouvrir de nouveaux chantiers en partant d’un constat : si certains territoires s’efforcent de s’inscrire dans une dynamique écologiquement vertueuse, force est de constater que bon nombre d’entre eux continuent de juxtaposer des politiques environnementales avec des politiques de développement « traditionnel » sans véritablement changer de modèle ni de logique. Or, l’accélération du réchauffement climatique, la perte de biodiversité, l’épuisement des ressources de la planète posent la question de la soutenabilité de notre modèle de développement : dans un monde fini, tous les territoires peuvent-ils se développer simultanément alors que nous consommons déjà plus de ressources que la planète ne peut en régénérer ? C’est cette question fondamentale, pour ne pas dire basique, qui a orienté notre démarche, baptisée « Et si… La transformation écologique était la matrice des politiques intercommunales ». Notre ambition initiale : envisager la possibilité de sortir les politiques environnementales de leur dimension sectorielle et de les affirmer, au regard du changement climatique, comme le référentiel total des politiques territoriales. En bref, l’objectif était de produire un récit des transformations écologiques ancré dans les réalités potentielles de l’administration locale, d’évaluer à ce titre le niveau de « prise de conscience » des acteurs locaux et d’explorer les leviers principaux dont disposent nos intercommunalités pour partir à la conquête environnementale de leur territoire, : une économie décarbonée et moins consommatrice de foncier, un habitat redessiné et redéployé, des mobilités adaptées, des services à la population réévalués… Une précision importante : notre volonté n’était pas de recenser les « bonnes pratiques », mais bien de mettre en lumière les obstacles structurels et les chemins susceptibles de les contourner. L’originalité de notre travail : son livrable final n’est pas un « rapport » mais un film, réalisé en partenariat avec la Banque des Territoires, Intercommunalités de France et Weka, articulant des interventions d’experts ainsi que des témoignages d’élus et de techniciens. Il est toujours en accès libre sur YouTube.
3. L’ADGCF réalise d’ailleurs en ce moment même un second court-métrage dédié à la transformation écologique intitulé « Les faiseurs de redirection ». Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Bien sûr. Une fois le premier film réalisé, nous avons lancé un cycle de rencontres mobilisant nos adhérents mais aussi les élus lorsque ces rendez-vous étaient organisés en collaboration directe avec Intercommunalités de France. En bref, 13 rencontres régionales, dont une ultramarine, ont été mises à l’agenda et près de 600 acteurs locaux se sont, à cette occasion, mobilisés. En outre, à l’initiative d’intercommunalités, des projections-débats en « interne » ont été organisées ou sont encore organisées ; en somme ce court-métrage continue de vivre et il faut continuer à le faire vivre ! Quoi qu’il en soit, la diffusion du film a finalement soulevé peu de commentaires sur la pertinence des constats dressés et sur la nécessité d’aller au-delà des réponses actuelles développées par les territoires. Ce qui ressort principalement des interventions est relatif à la question du « comment » : comment concrètement passer de la prise de conscience au changement effectif de pratique ? D’où l’idée de confectionner un second court-métrage et de l’inscrire non plus dans le « pourquoi », mais bien dans le « comment », c’est-à-dire, de ne plus être sur le « de quoi on part », « quels sont nos blocages », “où sont les possibles”, mais vraiment dans l’action concrète de la redirection, dans la preuve et l’épreuve, avec des acteurs au travail dans leur territoire. C’est le projet « Et si… La transformation écologique était la matrice des politiques intercommunales 2 : les faiseurs de redirection » sur lequel nous travaillons en ce moment même, en investiguant des territoires aux profils contrastés —périurbain, campagne, montagne, littoral, métropolitain— et au sein desquels les acteurs locaux —élus, techniciens mais aussi opérateurs privés— œuvrent réellement, à travers leurs réalisations objectives, à la construction d’un nouveau contrat social et écologique.
En bref, parallèlement à la question du financement de la bifurcation environnementale, trois grands sujets méritent selon nous un approfondissement afin de permettre aux territoires de franchir une étape significative : tout d’abord, la question des modèles et des indicateurs permettant d’évaluer la soutenabilité écologique des territoires. Ensuite, la question de la conception et de l’organisation administrative et territoriale d’intercommunalités au service de la bifurcation environnementale. La question, enfin, de la gouvernance de la redirection, c’est-à-dire de la construction de l’autorité légitime en capacité d’assumer l’expression des attachements et des renoncements à même d’inscrire la communauté ou la métropole dans une dynamique écologiquement vertueuse. Voilà la trame du second court-métrage, qui sera diffusé en avant-première le 4 juillet prochain à Chalon-sur-Saône, lors des 17èmes Universités d’été des directeurs généraux d’intercommunalité.