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Interview croisée Jean-Marc Bouillon et Christophe Degruellle

Christophe Degruelle, Vice-Président culture d’Intercommunalités de France et Président de la Communauté d’Agglomération de Blois, est Vice-Président de France Villes et territoires Durables (FVD), en charge du collège des collectivités.

Jean-Marc Bouillon, paysagiste-concepteur, membre du conseil d’administration de Val’Hor et Président du fonds de dotation Intelligence Nature, apporte régulièrement son expertise sur les stratégies de renaturation aux travaux de FVD.

Quelle stratégie de renaturation proposez-vous pour adapter les villes au dérèglement climatique ?

C Degruelle – Pour pouvoir parler de stratégie de renaturation, il faut avant tout proposer un récit (aux élus, aux habitants, aux entreprises, aux faiseurs de ville…). Il doit permettre de partager un même diagnostic et d’embarquer les parties prenantes dans une même trajectoire écologique, sans quoi il n’y a pas d’acceptabilité sociale du changement. Dans « Le Maire qui aimait les arbres », Jean Chalendas raconte comment un maire s’emploie à planter des arbres dans sa commune. Au-delà de la référence au rêve et à l’enchantement, c’est un réel projet de ville que propose ici ce personnage : tout part d’un récit.

JM Bouillon – Je partage pleinement l’importance de partir d’un diagnostic partagé. J’attache aussi une grande importance aux mots et, concernant cette ambition de renaturation, les dictionnaires la définissent comme « la remise dans l’état d’origine » d’un site. Autrement dit effacer des parties de la ville pour retrouver leur forme originelle. Il y a alors deux façons d’envisager l’écologie urbaine : soit on aménage la ville pour la nature (logique de renaturation), soit on aménage la ville par la nature. Dans la première vision, l’écologie peut paraitre invasive : on supprime des attributs dits « urbains » pour réintégrer des trames vertes, des cours d’eau… La seconde philosophie parait plus pragmatique : on aime la ville (90% des Français vivent dans une aire urbaine) et on l’aménage par la nature. Je propose ainsi de rompre avec cette opposition ville / nature.

Si l’on entre davantage dans le détail, quelle méthode proposez-vous ?

C Degruelle – Pour se doter des meilleurs outils, il convient de travailler avec des professionnels compétents. Le rôle du paysagiste, dans la conception de la ville jardin, doit selon moi être affirmé, aux côtés des architectes et des urbanistes. Cela est d’autant plus réel dans le Val de Loire, le jardin de la France, où j’aime utiliser l’oxymore « métropole jardin ». Il me semble que la France ne forme et ne reconnait pas assez les paysagistes.

JM Bouillon – C’est vrai ! Décoratif dans les années 1970, puis social et écologique, le paysage en ville est désormais considéré comme écosystémique. En comprenant le rôle de la nature et des services essentiels qu’elle rend, le paysage apparaît nécessaire dans l’amélioration des dynamiques urbaines. De rôle d’accessoire, le végétal en ville devient structurant. On parle désormais d’infrastructure verte. En témoignent les 4 récompenses du grand prix d’urbanisme décernés à des paysagistes sur les 10 dernières années.

Aujourd’hui, notre regard s’inverse : il faut infiltrer l’eau d’abord, planter ensuite, et construire enfin. Cette nouvelle vision se veut transversale. Elle change notre rapport au vide et au plein et l’eau devient le centre de nos attentions. Pour faire la ville, il faut comprendre le vivant.

Le fonctionnement des collectivités territoriales doit-il, lui aussi, s’adapter ?

JM Bouillon – A Blois, les travaux sur le végétal sont issus des études sur les écoulements des eaux : c’est un réel progrès. Pas d’eau, pas de végétaux ! L’identification des espaces où l’infiltration de l’eau est optimale nous permet de hiérarchiser les espaces où planter en priorité.

On sait que 80% du foncier d’une ville est privé et que les projets de requalification dans les villes ne renouvellent que 1% du tissu urbain chaque année. La stratégie globale d’adaptation de la ville consiste alors en l’émergence d’une multiplicité de micro-projets, comme autant de « points d’acuponcture ». Le réaménagement de nos villes est alors bottom-up, c’est un projet collectif, une démarche forcément participative avec les habitants.

C Degruelle – L’avantage des micro-projets, c’est aussi que les élus peuvent se les approprier et en être les ambassadeurs auprès de leurs collègues. C’est le meilleur moyen d’essaimer, et de construire un territoire renaturé.

Historiquement, dans les communes, le dossier de l’eau était pris en compte par les services de l’assainissement, ou de la production/distribution de l’eau. La montée en puissance des intercommunalités a permis de parfois fusionner ces services. Je pense qu’il faut désormais se doter d’une vision commune « grand et petit cycle de l’eau ». Les tensions à l’été 2022 sur le pompage de l’eau dans la Loire en attestent, il faut sortir de cette séparation dans l’organisation des services pour mettre l’accent sur l’accès et la préservation de cette ressource. A l’échelle nationale, les agences de bassins fonctionnent de cette manière : la géographie découpe les services, et non telle ou telle considération administrative. Je pense qu’il faut en faire de même dans les collectivités locales, pour gérer la ressource en eau de manière systémique.  

Tous ces sujets posent la question du foncier, en lien avec le ZAN (zéro artificialisation nette) et doivent trouver traduction dans les documents de planification. Notre combat est de trouver une solution à la gestion du foncier, au niveau intercommunal, pour que le ZAN soit réellement appliqué dans chaque commune, au-delà des obligations réglementaires. Il est nécessaire, selon moi, d’accélérer la prise de compétence PLU par les intercommunalités, échelle la plus pertinente pour gérer le foncier.

About Solène

Mission Officer, Working Group, and Projects. Student at the Urban School of Sciences Po Paris, focusing on the ecological transition of cities.

About Quentin

Motivated by climate issues and planetary boundaries, Quentin decided to study land use planning at the Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. His experience in associative field at the Fresque du Climat, helped him to better understand the stakes of the ecological bifurcation. Between his native Haute-Savoie and his home town Rennes, where he gained expertise in mobility and sustainable agriculture, he is now based in Paris to deploy the Sustainable City by France’s territorial workshops throughout the country.

About Alice

After five years’ study at Sciences Po Lyon, with a specialization in territorial transitions, Alice joined Sustainable City by France (France Villes et territoires Durables). She actively contributes to the deployment of the association’s territorial workshops and working groups.
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Currently studying as a second-year Master’s student in International Relations at University Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Tara holds a Bachelor’s degree from INALCO, with a double-major in Hindi language, and International relations / Environmental studies. Her work with us is in line with her former experiences at UNESCO and the Ministry of Europe and Foreign Affairs, thus deepening her professional expertise in the field of environmental diplomacy and international cooperation for sustainable development.

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She holds a Master’s degree in Development Economics from the Panthéon-Sorbonne University and is currently studying for a Master’s degree in International Relations and Action Abroad at the same university. She approaches the problems of sustainable cities and territories through these different perspectives and her international experiences.

About Isabelana

Isabelana is a Mexican journalist who holds a Master’s degree in Digital Communication and Data Analysis from the Sorbonne University. She previously worked in communication and press relations in the cultural sector in France and Mexico. Today, she is interested in ecological actions and solutions to preserve the environment and the biodiversity.

About Camille

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With a background in social sciences, art history and architecture, Camille has worked in communication within the VINCI group: from major international projects to La Fabrique de la Cité, a think tank dedicated to urban foresight.

About Alexandra

A geographer by training (Saint Petersburg State University), she started as a geographer and economist at the Academy of Agricultural Economics (Russia), before pursuing her career in France as an administrative and accounting assistant (Air Liquide, Association TGV Provence Côte d’Azur, COFHUAT, Groupe Hervé)

About Marion

Trained in international and European affairs between England and France as part of a double degree at Sciences-Po Lille / University of Kent, Marion started her career in advocacy and institutional relations of non-governmental organisations, in the fair trade sector (Max Havelaar France label). Her experiences are also linked to territories, with a passage in decentralised cooperation at the level of a departmental council.

About Sébastien

Before joining the SCbF team, he held several positions in local government management. From elected official and deputy mayor of his native city Besançon, in charge of university relations and international cooperation, to Director of Economic Development of the City of Pantin, to Chief of staff in Montreuil – where he notably piloted the in-depth redesign of the urban project towards more ecology and sustainable development – he continued his career as Senior Resilience Officer of the City of Paris.
He promotes a holistic and systemic vision of sustainable development and brings his expertise in territorial resilience, ecological and social transition.
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