Marseille fait face à des défis environnementaux majeurs liés au dérèglement climatique et à la préservation de ses ressources naturelles. Consciente de ces enjeux, la municipalité a engagé une transformation ambitieuse de ses espaces publics pour les rendre plus résilients, durables et agréables à vivre.
Dans cette dynamique, la Ville de Marseille, membre de notre association, a adopté le manifeste « Pour des espaces publics méditerranéens, accueillants, résistants et résilients à Marseille », affirmant ainsi son engagement en faveur d’un urbanisme plus adapté aux spécificités du territoire.
Pour mieux comprendre la portée de cette initiative et les actions qui l’accompagnent, nous avons interviewé Perrine Prigent, adjointe au Maire de Marseille en charge de la valorisation du patrimoine, de l’amélioration des espaces publics, de la place de l’eau dans la ville et de la ville résiliente et Conseillère métropolitaine.
La Ville de Marseille a engagé une forte dynamique d’adaptation aux enjeux écologiques. Pour des espaces publics « plus accueillants, résistants et résilients », vous avez même convenu d’un Manifeste. C’est un geste fort, que signifie-t-il pour la cité phocéenne ?
Marseille est une ville ayant une enveloppe urbaine de 15 000 hectares, parmi lesquels 2 300 sont de l’espace public, et 1 300 kilomètres de voirie publique.
L’espace public est bien plus qu’un simple lieu de passage, c’est le cœur de nos villes, un lieu de rencontre, d’échange et d’animation. Un Bien Commun. Il reflète notre identité collective et joue un rôle crucial dans la qualité de vie de nos concitoyens. Hier, beaucoup. Aujourd’hui, un peu. Et demain, surtout !
En requalifiant mieux ces espaces, et en se donnant les moyens en ambition et en méthode, nous avons l’opportunité de créer des environnements accueillants, inclusifs et durables pour toutes et tous.
La démarche que nous avons amorcée avec la publication d’un premier « Manifeste pour les espaces publics marseillais » en janvier 2024 semblait vertigineuse à son lancement, elle constitue désormais une évidence.
Quelles actions phares accompagnent-elles ce manifeste ? A quels enjeux locaux entendent-elles répondre ?
Le Manifeste des espaces publics marseillais s’appuie sur différents principes : que tout usager puisse se sentir accueilli avec hospitalité, autour de marqueurs et d’héritages patrimoniaux et environnementaux qui forment une identité spatiale fédératrice.
Demain, ces espaces se voudront rééquilibrés et apaisés et auront été conçus sur la base de processus de décision plus ouverts et participatifs. Ils pourront incarner des « sas » ou des espaces «refuge » résilients face au changement climatique. C’est essentiel, et ça l’est encore plus quand on prend en compte la réalité des logements, trop souvent trop petits. L’espace public doit redevenir la terrasse ou le jardin de chacun.
Nos objectifs sont clairs : partager les ambitions de la Ville pour ses espaces publics, les complexités rencontrées, mettre en lumière nos forces et élaborer des méthodes plus inclusives pour réaliser les nécessaires transformations du territoire.
Pour atteindre ces ambitions, il est crucial de changer de méthode : adopter une approche participative en impliquant les citoyens et associations dans le processus de décision et en travaillant avec les acteurs de la fabrique de la ville dans une logique de prospective.
Au travers de nos travaux de 2024, nous aboutissons à 7 préconisations opérationnelles :

Le manifeste met l’accent sur la place de l’eau et la nature en ville. Quelle est la stratégie de Marseille en la matière ?
Les projections de températures (TRACC 4°C) suggèrent que nous aurons de mi-juin à mi-septembre les températures actuellement atteintes lors du pic de chaleur du 31 juillet dernier. L’évolution des pluies, en ralentissement ou en intensification des épisodes pluvieux fait également partie des problématiques auxquelles le territoire sera particulièrement soumis.
Les espaces publics ont en ce sens un rôle majeur à jouer. Richesse partagée, ils sont une immense opportunité d’adresser à Marseille les enjeux de ce siècle et d’en conserver l’habitabilité.
En plaçant l’humain et l’environnement au cœur de nos réflexions, nous avons l’opportunité de transformer nos villes en lieux de vie agréables et durables. Pour cela, il faut aussi refaire de la place à un triptyque fondamental : eau-sol-végétal.
Desimpermeabiliser et vegetaliser sont deux axes essentiels de l’action que nous souhaitons déployer et qui croisent différentes préconisations et qui permettent d’apporter une action sensible sur le territoire qui raconte son histoire et préfigure son avenir.
Comment associez-vous les parties prenantes locales à cette ambition ?
La ville de Marseille a invité tous ceux qui contribuent à la conception, à la gestion et l’entretien des espaces publics à participer à une démarche collaborative afin de donner du corps aux principes du Manifeste, et d’améliorer les modes de faire et de gérer ces espaces. L’organisation et l’animation de cette démarche ont été confiées à l’Agam et au Cerema. Elle a mobilisé au total plus de 150 personnes, 85 structures et a été organisée en 4 temps :
- séminaire de lancement en présence d’un grand témoin : Franck Boutté – Grand Prix National de l’Urbanisme 2022
- premier atelier pour la coélaboration de visions partagées autour des principesdu manifeste, mobilisant le sensible et le rêve
- second atelier pour s’atteler à la traduction concrète des principes du manifeste sur des projets fictifs d’aménagement de rues «types» inspirées du tissu marseillais
- réunion de travail technique pour travailler collectivement sur le prototypage d’actions préalable à la construction de la méthodologie partagée
En 2024 et 2025, le Manifeste des espaces publics a ouvert un nouveau chapitre, pour déployer ses principes et préconisations en méthodes et process ancrés dans l’opérationnalité avec des actions très concrètes qui lui sont liées :
- le déploiement à venir de balades urbaines sensibles pour mettre à l’épreuve nos travaux et leur impact sur le diagnostic préalable autour de parcours de marche qui amélioreront concrètement l’expérience quotidienne de nos espaces publics,
- la démarche «le + fraîcheur» proposée par l’État va également nous permettre de tester la méthode comme les ambitions sur les rues Sainte et Caisserie, en combinant les enjeux d’adaptation au changement climatique, de résilience et de préservation du patrimoine
- enfin la mise en place d’un “lab” des espaces publics qui a pour objectif de servir de plateforme pour partager des connaissances et favoriser la co-création, expérimenter de nouvelles idées, où nous pourrons continuer à faire vivre le collectif que nous avons créé.